21 juin 2025

Seneinfo

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Deux ans se sont écoulés depuis le déclenchement de la guerre au Soudan entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR), dans un contexte humanitaire catastrophique.
Selon les rapports des Nations Unies, plus de 30 millions de personnes sont au bord de la famine.

Ce conflit a entraîné la plus grande crise de déplacement au monde. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) affirme qu’un tiers de la population soudanaise est déplacé. Au total, plus de 12 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, tandis qu’environ 3,8 millions ont franchi les frontières en tant que réfugiés dans des pays voisins. Les conséquences de ce conflit dévastateur ont dépassé les frontières du Soudan.

L’UNICEF a mis en garde contre le fait que « la mort est devenue une menace constante » pour les enfants soudanais. Rien qu’autour de la ville d’El-Fasher, environ 825 000 enfants sont encerclés par la mort, exposés à des bombardements constants et à un manque aigu des besoins essentiels à la survie.

Comment la guerre a-t-elle éclaté ?

Plusieurs rapports affirment que les Frères musulmans ont déclenché les premières hostilités, craignant que les Forces de soutien rapide ne réussissent à convaincre le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhan, de signer l’accord-cadre fixant la durée de la période de transition et la date de retour au pouvoir civil.

À ce sujet, le colonel Mustapha Mohamed Othman a déclaré que les Frères musulmans « sont à l’origine de cette guerre, dans le but de revenir au pouvoir et de punir le peuple soudanais pour avoir renversé le régime précédent ».

Il a souligné qu’il n’était pas convaincu par cette guerre pour deux raisons principales : d’abord, l’absence d’un plan de guerre partagé avec les commandants, contrairement aux procédures habituelles ; ensuite, de nombreux officiers des forces armées n’étaient même pas informés du déclenchement de la guerre, y compris l’inspecteur général, qui aurait dû en être le premier informé.

Il a précisé que la force ayant tiré le premier coup de feu était partie, la veille du début du conflit, de la base de la 1re brigade d’infanterie (à Al-Baqir) vers le complexe sportif où se trouvaient les FSR, sans savoir qui avait donné l’ordre de mouvement, et sans protection ni plan défini. Cela démontre, selon lui, que cette guerre est menée par les « Kizans » – qualification locale donnée aux Frères musulmans – et les partisans de l’ancien régime, qui utilisent l’armée comme tremplin pour atteindre leurs objectifs. Il a ajouté que ces derniers continuent d’entraver toute tentative de négociation ou de médiation.

Le site soudanais Al-Rakoba indique que les Frères musulmans ont cherché, depuis la chute de leur régime autoritaire le 11 avril 2019, à faire échouer la transition politique et l’accord entre civils et militaires. Ils se sont alors repliés derrière des façades tribales et régionales, collaborant avec les militaires avides de pouvoir pour saboter le gouvernement civil dirigé par Abdallah Hamdok, notamment via le coup d’État du 25 octobre 2021.

Le site affirme que de nombreuses preuves montrent que les Frères musulmans sont les principaux instigateurs du conflit actuel. Les anciens responsables du parti du Congrès national (ex-parti au pouvoir) seraient ceux qui planifient et alimentent la guerre pour reprendre le contrôle du pays, après avoir affaibli à la fois l’armée et les FSR.

Selon ce même rapport, quelques jours avant le déclenchement de la guerre, la confrérie avait annoncé la formation de groupes armés, dont « les Forces de l’Entité nationale », dirigées par l’officier Frère musulman, le colonel Sawarmi Khalid Saad, ancien porte-parole de l’armée soudanaise.

De son côté, l’ancien Premier ministre Abdallah Hamdok a affirmé qu’« il n’y a pas de solution militaire au conflit au Soudan », ajoutant que la prise du palais présidentiel à Khartoum par l’armée, même si elle change le paysage tactique, ne modifie en rien la réalité selon laquelle aucune partie ne peut remporter une victoire décisive sans infliger de lourdes pertes à la population civile. Dans un article publié récemment, il a souligné que « prolonger le conflit ne ferait qu’aggraver la souffrance et renforcer les divisions ».

L’écrivain soudanais Abdel Jalil Souleiman a souligné que les Frères musulmans ne se contentent pas de gérer les opérations militaires sur le terrain, mais qu’ils établissent aussi les plans politiques et dirigent les relations extérieures depuis leur base à Port-Soudan, qui est devenue la capitale de facto du régime.

Dans un article, il affirme : « Aucun parti politique ou groupe religieux ou idéologique ne s’est impliqué dans un conflit armé comme l’ont fait les Frères musulmans dans cette guerre. De nombreuses preuves et documents montrent que ce sont eux qui ont planifié et déclenché la guerre (en tirant le premier coup), et qu’ils la poursuivent à travers leurs milices et groupes extrémistes (comme Daech), avec l’appui d’officiers loyaux. »

Bloc au “détournement” du Soudan

Les Frères musulmans auraient convaincu Al-Burhan de ne pas entamer de dialogue avec les FSR pour prolonger la guerre, leur permettant ainsi de se repositionner stratégiquement. Al-Burhan, avide de pouvoir à tout prix, voit dans son alliance avec les Frères musulmans et les extrémistes un moyen d’atteindre ses objectifs.

Des sources soudanaises affirment que les FSR poursuivent leur combat pour empêcher le Soudan d’être pris en otage par les Frères musulmans, évincés après la révolution de décembre 2019.

À ce titre, elles ont rédigé une charte fondatrice pour un Soudan uni, fondé sur une véritable conception de l’État, loin de toute idéologie extrémiste. Cette charte comprend 32 articles affirmant notamment : la primauté du droit et des institutions, l’interdiction de toute discrimination, le renforcement de l’éducation civique, la souveraineté populaire comme source de toute légitimité, la création d’une armée nationale professionnelle soumise au contrôle civil, et la mise en place d’une police professionnelle garantissant la sécurité intérieure et extérieure du Soudan.

Cette même charte propose aussi l’établissement d’un État laïc, démocratique et décentralisé, reconnaissant la diversité, interdisant les partis fondés sur des bases religieuses ou ethniques, et garantissant le droit à l’autodétermination en cas de non-respect des principes fondamentaux.

La charte recommande un système fédéral reconnaissant aux régions leur autonomie politique, économique et sociale, avec une représentation équitable au niveau national. Elle garantit les libertés, l’adhésion aux conventions internationales des droits de l’homme, et le respect des libertés syndicales et de la liberté d’expression.

Sur le plan économique, elle promeut un modèle d’économie sociale de marché, combinant les mécanismes du marché avec une intervention de l’État pour protéger les plus vulnérables, assurer une répartition équitable des ressources et favoriser un développement équilibré.

Diéry DIALLO.